Le principe de spécialité et son corollaire, le principe d’adaptation à la spécificité polynésienne, trouvent à s’appliquer aux normes suivantes : « loi du pays », lois de la République et règlements métropolitains.
Ils sont de peu d’intérêt pour les autres normes : délibérations de l’assemblée, arrêtés du président et arrêtés pris en conseil des ministres.
2.1. « LOIS DU PAYS »
2.1.1. Définition
Malgré son intitulé, corrigé par des guillemets, la « loi du pays » procède des délibérations de l’assemblée et a le caractère d’un acte administratif. Elle constitue une norme particulière applicable à certains règlements, limitativement énumérés, soumise à une procédure particulière d’élaboration et d’adoption et justiciable d’un régime contentieux dérogatoire.
2.1.2. Champ d’intervention
Par analogie avec les dispositions de l’article 34 de la Constitution qui définit le domaine de la loi, l’article 140 de la loi statutaire énumère les matières qui relèvent de la norme « loi du pays, qu’elles ressortissent soit à la compétence propre de la Polynésie française, soit à la participation du Pays à l’exercice des compétences de l’Etat.
L’article 140 précise également que les « lois du pays » doivent « relever du domaine de la loi », expression qui ramène normalement au champ défini par l’article 34 de la Constitution, ce qui posait des problèmes délicats de répartition des compétences pour l’assemblée elle-même selon qu’elle édictait une « loi du pays » ou une délibération et entre l’assemblée et le conseil des ministres pour la définition des mesures d’application des « lois du pays ».
Dans son premier arrêt (n° 286584 du 1er février 2006) rendu sur une« loi du pays » qui lui avait été déférée, le Conseil d’Etat, tout en relevant que si les « lois du pays » ne doivent en principe « comporter que des dispositions relevant du domaine de la loi », pose pour règle que le législateur organique « n’a pas entendu frapper d’illégalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une« loi du pays » reprenant en cela une disposition du Conseil Constitutionnel du30 juillet 1982.
Ce faisant, il visait expressément le domaine réglementaire réservé au conseil des ministres (dérivé ou propre) mais n’excluait pas l’empiètement des « lois du pays » sur le domaine réservé normalement à la délibération.
2.1.3. Procédure particulière
a/ Tout projet ou proposition de « loi du pays » doit, à peine de nullité, être soumis à l’avis du haut conseil.
Le haut conseil dispose normalement d’un délai de six semaines pour rendre son avis. En cas d’urgence, ce délai est ramené à un mois.
L’avis du haut conseil est purement consultatif, il ne lie ni le gouvernement, ni l’assemblée.
Le conseil économique, social et culturel est saisi des projets ou propositions à caractère économique ou social. Le Conseil d’Etat a déjà jugé qu’une loi fiscale n’entrait pas dans cette catégorie.
b/ Le Conseil d’Etat (décision n° 288390 du 15 mars 2006) a admis que le gouvernement et l’assemblée pouvaient modifier le texte, après son passage devant le haut conseil, sans qu’il soit nécessaire de consulter le haut conseil sur les amendements proposés sous la seule réserve que ces amendements ne soient « pas dépourvus de tout lien » avec le texte examiné.
c/ Les projets ou propositions de « lois du pays » intervenant dans les matières de compétence de l’Etat, dans l’exercice desquelles la Polynésie peut participer, doivent, avant leur adoption par l’assemblée, obtenir l’accord de l’Etat. Cet accord est donné, totalement ou partiellement par décret. Le refus d’approbation est notifié par décret motivé.
Les décrets d’approbation deviennent caducs s’ils n’ont pas été ratifiés par une loi. Cette rédaction n’est pas juridiquement correcte car normalement la caducité est constatée à l’expiration d’un délai fixé. Elle s’explique par la censure partielle de la disposition, le Conseil constitutionnel ayant refusé d’enfermer le Parlement dans un délai et ayant interprété sa censure comme interdisant l’entrée en vigueur de la « loi du pays » tant que le décret d’approbation n’a pas été ratifié par la loi.
L’assemblée ne peut approuver le projet que dans les mêmes termes que ceux qui ont reçu l’accord de l’Etat. Le droit d’amendement disparaît dans ce cas et il ne subsiste plus que le droit de ne pas adopter.
d/ Le rapporteur d’une « loi du pays » doit être désigné en séance plénière de l’assemblée. Le rapport doit être publié et déposé au moins douze jours avant la séance.
L’assemblée ne peut déléguer son pouvoir à la commission permanente et le texte est adopté au scrutin public et à la majorité des membres qui la composent(à savoir 29 dans les conditions actuelles). Toutefois, le vote par procuration est autorisé dans la limite d’une procuration par représentant.
e/ La « loi du pays » votée doit être publiée pour information au Journal officiel de la Polynésie française afin de permettre l’exercice, par toute personne y ayant intérêt, d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.
Elle peut également être déférée, dans les quinze jours de son adoption, par lehaut-commissaire, le Président de la Polynésie française, le Président de l’assemblée ou par six représentants.
f/ Pour entrer en vigueur, la « loi du pays » doit être promulguée par le Président de la Polynésie française soit :
- à l’expiration du délai d’un mois suivant la publication pour information, si aucun recours n’a été intenté ;
- dès la publication au Journal officiel de la Polynésie française de la décision du Conseil d’Etat lorsque le conseil n’a pas interdit la promulgation du texte ou d’une partie de celui-ci déclaré inséparable de l’ensemble.
La promulgation doit intervenir dans le délai de dix jours. A défaut, lehaut-commissaire se substitue au Président de la Polynésie française pour procéder à la promulgation.
2.2. LOIS PARLEMENTAIRES
Indépendamment du principe général de spécialité législative, les lois de la République sont soumises à un régime particulier pour leur application en Polynésie française.
2.2.1. Compétences de l’Etat transférées
Conformément à un principe qui remonte à la loi-cadre de 1956 et afin d’éviter tout vide juridique, les lois, ordonnances et décrets intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi statutaire, dans des matières qui relèvent désormais de la compétence de la Polynésie française, peuvent être modifiés ou abrogés par les institutions polynésiennes (art. 11 de la loi statutaire).
En d’autres termes, ces lois restent en vigueur mais avec valeur de règlements territoriaux.
2.2.2. Protection des compétences de la Polynésie française
Lorsque, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi statutaire, une loi intervient dans le champ des compétences de la Polynésie française, une première action est ouverte aux parlementaires, c’est celle du recours au Conseil Constitutionnel avant la promulgation.
Si la vigilance des parlementaires avait été prise en défaut, il n’y avait normalement aucun recours possible après la promulgation. Le nouvel article 74 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, a introduit, dans son 9ème alinéa, une protection supplémentaire pour les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie.
En vertu de l’article 12 de la loi statutaire, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par le Président de la Polynésie française après délibération du conseil des ministres, par le Président de l’assemblée habilité par une délibération de cette institution, par le Premier ministre, par le Président de l’Assemblée Nationale ou le Président du Sénat.
Il statue dans le délai de trois mois et s’il constate qu’une loi promulguée est intervenue dans le champ de compétence de la Polynésie française, cette loi peut être modifiée ou abrogée par l’assemblée soit dans la forme d’une « loi du pays » soit dans la forme d’une délibération.
2.2.3. Publication au Journal Officiel de la Polynésie française
La nouvelle loi statutaire a supprimé la formalité de la promulgation des lois et règlements par le représentant de l’Etat.
Cette autorité reste toutefois tenue d’en assurer la publication au Journal Officiel de la Polynésie française mais cette obligation est en fait dépourvue de sanction.
En effet, l’article 8 de la loi statutaire précise que les lois et les règlements entrent en vigueur en Polynésie française à la date que ces actes fixent ou , à défaut, le dixième jour suivant celui de leur publication au Journal Officiel de la République française.
Restent à venir les dispositions en cas d’urgence et la publication sous forme électronique.
2.3. REGLEMENTS METROPOLITAINS
Pour être complet, il reste à donner quelques précisions sur le régime des règlements émanant du pouvoir central.
2.3.1. Protection des compétences
Le système exposé ci-dessus (cf. 2.2.2.) ne concerne que les lois.
Dans l’hypothèse où un acte réglementaire du gouvernement central viendrait à empiéter sur les compétences de la Polynésie française, le recours est celui de droit commun devant le Conseil d’Etat.
2.3.2. Régime des ordonnances
A l’exception des lois ayant un caractère organique, le gouvernement de la République peut choisir, pour des raisons d’efficacité et d’encombrement de l’ordre du jour des assemblées parlementaires, de remplacer les lois par des ordonnances, procédure qui tend à devenir usuelle pour l’extension du droit à l’outre-mer. Deux procédures sont possibles.
a/ article 38 de la Constitution
Le gouvernement doit, dans le cadre de son programme, faire adopter par le Parlement une loi d’habilitation lui permettant de prendre par ordonnances dans un délai limité, les mesures énumérées dans la loi d’habilitation.
Les ordonnances prises dans ce cadre sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat. Elles deviennent caduques si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Aucun délai n’est imposé au Parlement pour l’examen et l’adoption de la loi de ratification. Cette ratification peut être implicite.
b/ Article 74-1 de la Constitution
Cette nouvelle procédure d’ordonnance est propre aux collectivités d’outre-mer.
Le gouvernement n’est plus obligé de se référer à son programme ni d’être habilité spécialement pour adopter ce type d’ordonnance qui peut intervenir à tout moment.
A l’inverse, ces ordonnances ne peuvent être prises que pour étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole et elles deviennent caduques si elles n’ont pas été expressément ratifiées par le Parlement dans le délai de dix huit mois suivant leur publication.
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B - SUCCESSIONS – REFLEXIONS
Retranscription - Atelier portant sur les
successions et les libéralités
- Colloque AJPF 2006 - Amendements
Interventions de Jean PERES et Laurence Leprince-Ringuet
Monsieur PERES prend la parole :
Bonjour à tous et bon courage pour cette journée
chargée qui vous attend. On m’a demandé de vous brosser, en quelques mots, la
problématique de la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie
française en matière de succession et de libéralités
La Polynésie française, pouvait, par l’intermédiaire
de ses institutions, et notamment dans le cadre des lois du Pays, participer à
l’exercice de ces compétences de l’Etat. Bien entendu, la procédure à respecter
est assez lourde et assez longue surtout et il faut encourager les élus à la
mettre en œuvre et la première expérience que nous en avions faite sur la
modification du Code civil en matière de possibilité de mariage des étrangers
ne résidant pas en Polynésie française, nous a un peu échaudés.
Cette procédure, je le rappelle, est la
suivante : Dès que le projet de loi du Pays est adoptée par le
Gouvernement, il doit immédiatement être soumis au Gouvernement de la
République par l’intermédiaire du Ministre de l’Outre-mer qui dispose d’un
délai de trois mois, mais non sanctionné, ce qui fait qu’il peut un peu
dépasser ce délai, pour dire qu’il approuve totalement ou partiellement, ou il
rejette le projet de loi du Pays qui lui est présenté. Une fois ce décret
intervenu, le texte doit être soumis à l’examen de l’Assemblée de la Polynésie
française. Mais l’Assemblée ne peut pas modifier le texte tel qu’il a été
approuvé par l’Etat, autrement dit le droit d’amendement dans ce domaine
disparaît, il ne peut que adopter le texte tel qu’il lui est présenté ou le
rejeter en bloc.
La troisième phase : une fois le vote de
l’Assemblée acquis, le décret lui-même fait l’objet d’un projet de loi portant
ratification du décret et le texte local ne peut entrer en vigueur qu’après la
promulgation de la loi ratifiant le décret d’approbation. C’est extrêmement
lourd comme procédure et ce n’est pas très encourageant. Malheureusement c’est comme
ça et on est obligé de s’y soumettre.
Laurence LEPRINCE-RINGUET, assistante parlementaire à
l’Assemblée Nationale de Mme Béatrice VERNAUDON, député de la 2ème
circonscription de la Polynésie : "Lorsque le texte du projet de loi sur les successions et libéralités est venu
en première lecture à l’Assemblée Nationale, notre député était prête pour
cette lecture puisque le texte était déjà dans les tuyaux depuis 2003. Monsieur
PERBEN pensait avoir l’honneur de le faire passer, et finalement c’est son
successeur, Monsieur CLEMENT.
On m’a demandé de vous présenter la contribution du
Député de la Polynésie à l’occasion de l’étude de ce texte. C’est une toute
petite fenêtre par rapport à l’ensemble des sujets du colloque. Etant donné les
très larges matières dans lesquelles la Polynésie est seule compétente, le rôle
du Député de la Polynésie est assez réduit, en matière législative, par rapport
à celui des députés de Métropole. Néanmoins, s’agissant de ce texte là, il
fallait vraiment que notre député s’y applique, puisque précisément, il nous
concerne, contrairement à l’immensité des textes qui passent devant le parlement.
Dans les jours qui ont précédé l’examen en séance
publique du texte sur les successions et libéralités, les conseillers du Garde
des Sceaux ont fait connaître à Madame VERNAUDON la position de la Chancellerie
sur les lois d’amendement qu’elle a votées. Deux amendements obtenaient l’aval
du Gouvernement car il y avait une portée nationale. Au passage, il la félicitait
pour l’un d’eux en particulier, car, comme il l’a dit, il fallait le trouver.
Madame VERNAUDON a aussitôt transmis ces félicitations
à celles qui les méritaient : Madame Catherine CHODZKO et Madame VANNIER
qui les lui avaient soumis quelques jours plus tôt.
Ainsi, le texte que Madame Sylvie FERRE-ANDRE vous a
présenté hier a-t-il un peu de sang tahitien ou plus justement un peu de sang
AJPF. Je pense que vous pouvez en être fiers, j’espère que ce n’est qu’un
début.
Les deux amendements ont été finalement adoptés :
il s’agit d’un complément qui était fait sur l’article 763 du Code civil. Dans
sa rédaction d’origine, le droit temporaire d’usage d’une année de l’habitation
principale ne bénéficiait au conjoint survivant que si le logement était un
bien commun ou dépendait totalement de la succession. Or en Polynésie, il est
très fréquent que les époux construisent sur un terrain indivis. Il semblait
opportun que cette protection puisse aussi être étendue au conjoint survivant
de l’indivisaire.
Le deuxième amendement venait modifier l’article
25 de la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et
aux droits des enfants adultérins. Dans sa rédaction d’origine, en ne prévoyant
comme bénéficiaire de l’alignement sur les droits des enfants légitimes que
l’enfant dont le père ou la mère étaient au temps de la conception engagés dans
les droits du mariage, la loi, sans le vouloir a oublié l’enfant naturel
simple. Si bien qu’en Polynésie, depuis ces quelques années passées, dans la
résolution des successions ouvertes avant 1972, l’enfant naturel continuait
donc à ne recevoir que la moitié des droits de l’enfant légitime et bizarrement
que la moitié d’une part d’enfant adultère. Donc il était important de rédiger
cette loi. Voilà, donc ça c’est l’apport de l’AJPF : un peu de sang
tahitien dans le texte.
En revanche, les autres amendements de la député de
Polynésie, déjà présentés à la Commission des lois et refoulés par elle ne
seraient pas soutenus et cela, malgré tous les arguments déployés dans son
ordre de transmission ; l’argument avancé était que le Garde des Sceaux ne
souhaitait pas que le Code civil s’alourdisse de particularismes propres à
telle ou telle collectivité d’Outre-Mer. Les successions étant une des matières
énoncées au 1° de l’article 31 de la loi statutaire de février 2004, parmi les
compétences de l’Etat auxquelles peut participer la Polynésie française, il
semblait important à Madame VERNAUDON d’amener le Garde des Sceaux, lors de la
discussion générale, à dire explicitement et publiquement que le contenu de ces
amendements pouvait faire l’objet d’adaptation en Polynésie française par le
moyen d’une loi de Pays.
En réponse, le Garde des Sceaux a dit
textuellement : « Madame VERNAUDON, vous avez insisté sur la
question de l’indivision en Polynésie française, un certain nombre de
modifications proposées ne relèvent pas de la compétence de l’Etat mais de
celle du Territoire, et donc de la loi de Pays ».
Ensuite, répondant à sa deuxième question, où elle
disait que si c’était vraiment par le biais d’une loi de Pays qu’il fallait
régler les spécificités de texte, elle souhaitait l’entendre dire qu’il allait,
non pas lui mettre des bâtons dans les roues comme ce fut le cas pour le
mariage des non résidents mais, au contraire, appuyer, aider le Territoire à
sortir cette loi de Pays. Sortir, cela veut dire en fait ne pas la bloquer à
Paris, ne pas la refouler.
Ensuite le Gouvernement de la Polynésie française et
les représentants de l’Assemblée de Polynésie Française, pourront à loisir
aménager les dispositions du Code civil en matière de droit des successions et des
libéralités. Cette tâche est immense mais c’est une tâche noble à laquelle
chacun d’entre vous (notaires, avocats, magistrats, et personnel de
l’administration territoriale), aurait à cœur de participer, que vous soyez ou
non originaire de Polynésie. Personnellement, je pense que c’est parce que vous
aurez vous-mêmes élaboré l’essentiel de la future loi de Pays que votre
lobbying sera convaincant et qu’en final vous disposerez d’un outil
incomparablement efficace.
Pour mémoire, voici le contenu des amendements qui ont
été repoussés mais qui, localement je pense, devront être repris par la loi de
Pays et je tiens à remercier tous les juristes qui, lors de la préparation,
lorsque le projet de loi dans sa mouture définitive, avait été présenté ;
les juristes du Haut Conseil, Monsieur PERES en particulier, Monsieur GIRE et
Monsieur CALINAUD, ont beaucoup travaillé pour voir comment on pouvait adapter
ce texte à la Polynésie. Je pense que tout leur travail sera repris
intégralement.
Pour mémoire, voici les amendements que Madame
VERNAUDON avait soumis et qui, j’espère, un jour trouveront leur place dans les
dispositions propres à la Polynésie.
(...) amendement portait sur les délais de
l’article 809-3°, 810-1 dans la nouvelle rédaction et l’exposé des motifs
disait ceci : « Compte tenu de la mobilité de la population et de
la dispersion des héritiers sur un espace géographique grand comme l’Europe, il
convient de prévoir un délai sensiblement allongé avant que le silence des
héritiers connus ne provoque l’ouverture de la vacance. » Par
cohérence, nous demandions la prolongation identique du délai pendant lequel le
Curateur ne peut faire qu’un nombre restreint d’actes d’administration.
Le troisième amendement portait sur l’article 815-3
dans sa nouvelle rédaction, à savoir : « Il parait utile
d’abaisser la majorité qualifiée pour effectuer certains actes à un niveau
proche de la majorité simple des co-indivisaires. » Vous savez que
dans le texte, il a été voté que c’était Deux/tiers (2/3). Pourquoi 2/3, parce
qu’en Métropole, pour des raisons fiscales, les successions doivent sortir très
rapidement, sinon vous êtes sanctionnés. Ce sont toujours des successions à une
génération, bientôt un petit peu plus parce qu’on va pouvoir appeler les petits
enfants, mais en tous les cas, deux/tiers correspond à peu près au nombre moyen
d’héritiers en Métropole. Alors qu’en Polynésie, nous avons parfois jusqu’à 50,
60 héritiers. Donc de faire diminuer la majorité c’était donner plus de chance
à nos successions de sortir un jour. Nous demandions donc de baisser la
majorité à 60 % au lieu de 66 %, c'est-à-dire 3/5 au lieu de 2/3.
Autrement dit, si vous avez dix héritiers, dans la loi
métropolitaine, il en faut sept, alors que dans la future loi de Pays, il en
faudra six. Ce n’est pas grand-chose, mais parfois ça peut faire toute la
différence.
Ensuite, un autre amendement portait sur l’article 831
au niveau de la demande d’attribution préférentielle. En Polynésie, lorsqu’on
sort les terres de l’indivision, on attribue généralement à l’héritier qui
habite sur une partie de la terre, un lot qui correspond à l’assiette de sa
maison et en général les autres co-héritiers n’y voient pas d’inconvénient. Donc
nous souhaitions que dans le texte il soit mentionné que l’attribution
préférentielle puisse justement être étendue à ces parcelles, soit habitées,
soit simplement cultivées puisque ça correspond à entériner un usage.
Ensuite, un autre amendement plus important :
compte tenu de l’étendue de la Polynésie, il paraît utile de faire représenter
l’indivisaire défaillant par un membre de la souche familiale au lieu de faire,
comme nous l’indique le nouveau texte, à demander au Juge de désigner telle
personne qualifiée dont les avis peuvent s’avérer onéreux. Nous souhaitions
nous passer de ce professionnel qualifié et que le justiciable qui est bloqué
par l’inactivité d’un de ses co-indivisaires, puisse demander au juge de
désigner, non pas un professionnel, mais quelqu’un de la souche.
L’avant dernier amendement : L’article 887-1 du
Code civil, dans sa nouvelle rédaction dit :
« Lorsque l’omission d’un héritier résulte de la
simple ignorance ou de l’erreur, les co-partageants auront l’option d’attribuer
à l’héritier omis sa part soit en nature, soit en valeur, si le partage a déjà
été transcrit et exécuté par l’entrée en possession des lots. »
Dans la rédaction du Code civil, il est dit que
l’héritier peut demander de recevoir sa part, mais en fait il peut aussi
demander l’annulation. En Polynésie, nous avons un article dans le Code de
procédure civile qui dit que la tierce opposition n’est pas recevable dans ce
cas là. Donc, nous demandons que l’option appartienne non pas à l’héritier mais
aux co-indivisaires allotis de dire : on vous propose soit en nature, soit
en valeur. Donc que ce soit ceux qui ont déjà été allotis qui aient l’outil en
mains et non pas l’héritier omis, oublié.
Le dernier amendement portait sur l’article 827 du
Code civil qui se rapproche du précédent.
Par cohérence avec le précédent amendement, et toujours
afin d’éviter la remise en cause des partages en Polynésie française, cet
amendement permet, conformément à la jurisprudence constante de la Cour d’Appel
de Papeete, à un seul indivisaire de représenter valablement tous les membres
de la souche à laquelle il appartient. Il vise à revenir sur la jurisprudence
de la Cour de Cassation qui admet la tierce opposition pour tout indivisaire
qui n’a été ni partie ni représentée dans un partage judiciaire par souche. En
raison de la multitude d’héritiers d’une même souche en Polynésie, il convient
en effet d’empêcher qu’un héritier qui n’a pas été représenté puisse exercer (inaudible
la tierce opposition ?) Donc
c’est vraiment le partage par souche qui est courant ici et qui ne l’est pas du
tout en Métropole ; au contraire, un héritier qui n’a pas été représenté a
droit à tout casser. Ce qui est pour ici catastrophique.
Je souhaite donc bon courage à tous les juristes de
Polynésie et à tous les professionnels qui s’intéressent à la chose. Votre
force de lobbying vis-à-vis des représentants de l’Assemblée de Polynésie fera
la différence. Si vous attendez que ce soit eux qui vous donnent un outil
efficace, approprié, vous attendrez longtemps. Mais si c’est vous-mêmes qui
êtes à l’origine de ce texte, je pense que vous aurez rapidement des outils
appropriés."
Merci.